Le naufrage de notre société est global, au mépris des petits fours entre deux débats.
Croiser le fer n’a donc pas été possible. Dans cette course au sur place, le mastodonte gagne une longueur d’avance. C’est le citoyen qui n’a plus sa place, fièrement gardée par une administration au rigorisme hélas élastique.
Je regrette bien sûr d’avoir été absent des débats. D’abord pour tous ceux qui ont cru en moi. Mais encore pour l’ensemble des citoyens. Notre Genève se meurt dans des méandres dont le quidam lambda ne se reconnaît plus. Le silence assourdissant autour des vrais problèmes n’est couvert que par les logorrhées lancinantes trop politiciennes dont bien la moitié du peuple ne veut même plus entendre mot. La boucle est bouclée pour tous ceux qui, las, la bouclent.
Genève traverse pourtant, avec le reste du monde occidental, sa plus grave crise depuis la dernière guerre mondiale. Pire, elles sont multiples. Malheur, ce ne sera certainement pas la dernière. Les plus grands défis sont devant nous, et les potentiels capitaines sur leur yacht. Notre beau navire à tous a été abandonné, les femmes et les enfants à bord. Le nœud est coulant, notre suicide programmé.
Sur ce Titanic sans gouvernance, l’eau noie déjà ceux qui sont en fond de cale. Les parvenus dont les pieds sont encore secs se gaussent de leur immunité, trop sûrs du vaccin dont ils se croient administrés. Le naufrage de notre société est global, au mépris des petits fours entre deux débats. Déconnectés, ceux qui parlent encore à la télé, déconnectés, ceux qui en ont encore une. Le divorce est consommé.
L’iceberg est pourtant droit devant, il pointe des seules horreurs dont les médias s’accordent à nous partager. En vérité, le bloc mortifère est sous une eau qui dort, invisible à l’œil, absent des débats. Couler de mauvais jours est bateau, le silence est loi à ceux qui assassinent impunément dans la nuit glaçante. Ne manque qu’un nouveau virus, qu’une nouvelle guerre, pour que nous soyons tous définitivement asservis.
C’est le courage qui manque, aux criminels comme aux démissionnaires. Le magicien s’accommode de toutes les situations. À l’impossible lui seul est encore tenu. Ce n’est pas une porte qui se ferme, un micro qui s’éteint, qui va le faire renoncer au miracle. Ses sorties sont toujours nombreuses, planifiées, adaptées. Sa scène est constamment mouvante, déplacée. Le feu de sa passion brise toutes les glaces, traverse les miroirs dans lesquels si peu osent se regarder, ceux de la honte et de l’échec.
Plutôt que blâmer celui qui ose le risque, blâmer celui qui n’en prend jamais. Il est plus confortable d’être l’assis détracteur que le debout pour les autres. Chacun a mieux à faire, jusqu’à ce que sonne la mobilisation. De quelle guerre avons-nous besoin pour que nous débattions enfin ?
Absent des débats, l’aïeul enfermé, le travailleur empêché, le locataire expulsé, la femme violentée, l’entrepreneur ruiné, le sportif ligoté, l’innocent condamné, l’administré harcelé, l’étudiant télé-isolé, le jeune ignoré, l’écolier bâillonné, l’enfant retiré.
Absent des débats, le loyer surfait, la prime en hausse, l’inflation permanente, l’impôt galopant, la propriété inaccessible, le parking impossible, l’essence surtaxée, la stagnation salariale, la paupérisation rampante, la justice ruineuse, le crime organisé, la Constitution bafouée.
Absent des débats, l’écosystème démantelé, la biodiversité délaissée, le pesticide empoisonné, le sol surexploité, l’arbre tronçonné, l’énergie gaspillée, la pollution débridée, l’animal menacé, l’insecte décimé, la nature abandonnée.
Les fronts sont innombrables, ce n’est pas le fantassin solitaire qui pourra raisonnablement les attaquer tous simultanément. Encore moins ces officiers d’opérette, retranchés dans leurs QG bordés de cuir et gonflés de partisans endoctrinés. Ceux qui inspirent la guerre ne sont jamais ceux qu’on envoie mourir.
La tranchée n’est jamais emplie de généraux, mais de simples soldats citoyens. La plume est le pointu redoutable qui enclenche les guerres par une déclaration et qui les terminent par un traité. La plume et ses cartouches, cette même arme que chaque citoyen garde à la maison.
Lorsque le bateau coule, changer de cap ne suffit plus à éviter le naufrage ; dans une mer aussi glaçante, les icebergs sont de partout. Seul assez de plumes pourront offrir les ailes qui sauront porter notre beau navire pour s’élever au-dessus des eaux troubles dans lesquelles on nous a trop longtemps baladé. Notre envol n’attend que nous. Élevons le débat !
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