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Olivier Pahud

Cartel de partis

Notre république tourne au match de hockey !


« Une alliance historique ! » clament certains, « contre nature », s’insurgent d’autres ; le regroupement de quatre partis de droite pour le deuxième tour a fait le beurre des médias et n’a engrangé somme toute que peu d’opposition. Après tout, la gauche l’a déjà fait au premier tour et la loi électorale le permet, pourquoi s’en priver ?


Oui, les verts ont rejoint les socialistes pour 2023, au sacrifice du cœur de leur programme, le fameux climat dont on a plus parlé après une indigeste législature. Sans surprise, le vert pastèque a viré au rouge. Mais quand la droite multiple se rassemble aussi en un patchwork idéologique, voilà de l’encre amenée au moulin !


L’élément fédérateur n’aura pas été une vision commune, réfléchie, mûrie par le temps, mais bien un « tout sauf Maudet » comme mot d’ordre laxatif. Le caustique Chappatte l’a bien résumé dans le Temps avec un dessin dont il a le secret… Faire barrage contre Pierre qui roule, c’était déjà le principe maous du deuxième tour cuvée 2021. Pour 2023, on prend la même et on recommence.


Si le principe d’une alliance peut se comprendre dans un système de décision majoritaire, notre république tourne dorénavant championne au match de hockey ! Les remplaçants sont condamnés à rester sur le banc de touche, tenus au fair-play silencieux qu’on attend d’eux implicitement. Les hooligans assurent l’ambiance dans les tribunes, tandis que le citoyen averti a déjà quitté le stade, peu amène d’un spectacle si désolant. À quand une alliance des alliances gauche-droite, afin qu’il ne soit plus nécessaire d’aller élire ? Pour soigner l’absence de fond, avalez sans modération le pack « patch alliance »...


Selon le Larousse, une alliance est un « accord entre partis politiques dans un but électoral ». Un cartel lui est une « entente réalisée entre des entreprises juridiquement indépendantes d'un même secteur d'activité, afin de limiter la concurrence en s'accordant sur les prix et le partage du marché. » La loi fédérale sur les cartels précise qu’ « est soumise à la présente loi toute entreprise engagée dans le processus économique qui offre ou acquiert des biens ou des services, indépendamment de son organisation ou de sa forme juridique » (LCart art. 2). Dans la pratique, la limite entre alliance et cartel semble nécessaire à redéfinir à chaque cas.


Le législateur a prévu de limiter les cartels avec « pour but d’empêcher les conséquences nuisibles d’ordre économique ou social imputables aux cartels et aux autres restrictions à la concurrence et de promouvoir ainsi la concurrence (…) » (LCart art. 1). Force est de constater qu’une élection aura des conséquences « économiques et sociales » et que toute alliance visant à restreindre la concurrence doit être examinée sous l’angle de cette loi afin de s’assurer qu’il n’y ait pas d’ « abus de position dominante » (LCart art. 7). Ce qui est farfelu est le déni de cette approche.


En l’espèce, en position dominante et en ayant délibérément voulu restreindre la concurrence, notamment en n’invitant pas certains candidats à leur alliance, la droite genevoise, emboîtant le pas d’une gauche parvenue et omnipotente, se rend manifestement coupable d’une entente illicite, ni plus, ni moins. Alors que le débat genevois se veut ouvert même pour le deuxième tour, agir de la sorte avant même une élection ne présage rien de bon pour la législature à venir…


C’est la Commission de la concurrence (Comco) qui doit décider de la ligne à ne pas franchir, au cas par cas. Aucune alliance n’ayant eu la présence citoyenne de lui soumettre son projet d’entente, et ladite Comco n’ayant jugé nécessaire de se pencher sur ces cas, Evolution Suisse a invité par courrier à l’ouverture d’une enquête préliminaire auprès de la Commission. L’exercice de la démocratie n’est pas un sport populaire qui se joue dans un stade, mais devrait revenir au débat citoyen où l’intelligence prévaut sur le spectacle. Stay tuned !

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