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  • Olivier Pahud

Genève se plante !

« Planter un arbre, c’est un peu comme donner une pièce à un pauvre… »


Alfonso Gomez s’est lundi félicité d’avoir planté plus de 500 arbres en Ville de Genève durant la saison 2020-21. Planter un arbre, c’est un peu comme donner une pièce à un pauvre, cela donne meilleure conscience au donateur mais ne sortira jamais le désargenté de la misère.


Le problème du citadin moderne est peut-être qu’il a perdu tout lien avec la nature. Il ne connaît les poissons qu’en aquarium, apprécie la platitude de la monoculture en campagne qu’il traverse dans sa voiture et pense que la nature en ville se résume à un végétal dont il profitera de l’ombre. En fait, c’est plutôt nous qui faisons de l’ombre à la nature.


Le vert s’apparente ainsi à un sauveur volontaire qui souhaiterait remonter une mécanique complexe entièrement en pièces et dont il n’a ni le mode d’emploi ni la compréhension. Bien que de bonne foi, il échouera sans cesse s’il ne s’intéresse plus profondément à l’intrinsèque du vivant et aux problèmes essentiels auxquels nous faisons face. À force de vouloir maîtriser son environnement, réflexe soit logique à l’origine, l’homme est devenu maniaco-terroriste du naturel ; quand le gazon n’est pas aligné au fil à l’anglaise, il le considère comme affront insupportable à sa suprématie.


Il ne nous faut pas chercher à remettre la nature en ville, mais bien plutôt la ville en nature ! Ce ne sont pas que d’arbres dont nous avons besoin, mais d’écosystèmes complets qu’il nous incombe de semer à tout va, et vite. Les coûts en sont dérisoires et les bénéfices incalculables. Non le moindre, cela participera à l’éducation urgente de la nature au citadin, jeune ou moins jeune, pour que les générations à venir pussent réapprendre que oui, l’humain et la nature ne sont pas séparés mais ont un point très commun, le vivant. Nous sommes la nature.


En termes d’urbanisme, bien qu’il puisse parfois être taxé d'utopisme, car pensé bien en avance, l’architecte belge Luc Shuiten a depuis longtemps laissé tomber la réalisation pour se consacrer à imaginer l’avenir conceptuellement. Dès les années 80, il dessine les villes du futur, enfin converties au biomimétisme qui leurs permettront une intégration dans la nature en lieu de l’inverse. Genève même a fait l’objet d’une de ses œuvres, titrée « Genève durable de 2100 ». À pareil cadeau, il eût été judicieux de s’en inspirer, je le dis vertement.


Si l’utopie peut fixer l’horizon, c’est de pas concrets dont nous avons besoin pour s’en approcher. En dénonçant ici le « plantage en masse », c’est qu’à faire du surplace nous ne faisons que nous enfoncer. D’en prendre ombrage ici, c’est dénoncer le gaspillage de ressources occasionné dans une démarche cosmétique de bonne conscience. L’ornemental du vert ne dissimule pas son inefficacité…


Le japonais Akira Miyawaki, du haut de ses nobles 93 ans, est de ceux qui creusent la terre pour y trouver des trésors enfouis. Spécialiste des forêts naturelles, il s’en est fait l’avocat depuis les années 70 pour appeler l’humanité à les restaurer. C’est en comprenant la nature qu’on la favorise, et son travail d’une vie nous a légué le principe facilement applicable des mini-forêts qui peut faire naître sur une petite parcelle, un coin de jardin, un bout de friche un écosystème d’une riche biodiversité salvatrice comme éducative.


Il existe des milliers de ces mini-forêts dans le monde déjà ; selon leurs instigateurs, elles poussent 10 fois plus vite, sont 30 fois plus denses et regorgent de 100 fois plus de biodiversité qu’une forêt plantée conventionnellement. En seulement 10 ans, on obtient une forêt séculaire ! Dans de plus en plus de pays, des associations se mettent en place et font fleurir ces nouveaux paradis. Si les enfants participent, ce n’est pas qu’un apprentissage qu’ils feront, mais bien un legs qui durera leur vie que de voir la nature reprendre ses droits dans les recoins qui ne manquent pas pour le faire.


La politique se doit visionnaire et concrète simultanément. Elle doit savoir saisir les opportunités qui sont présentées par la société civile ; mieux, elle doit les chercher et les valoriser. Ceci est d’autant plus vrai qu’en période de crise, chaque jour perdu, chaque pas dans la mauvaise direction, est une glissade inexorable vers le pire. Pris dans les sables mouvants, ni l’immobilisme ni la gesticulation ne servent à en sortir.


Si je ne suis pas membre du parti que je décrie, c’est bien qu’il a raté le train de la vie pour s’engouffrer dans celui du citadin déconnecté d’une réalité qu'il a dépassé. Rose ou verte, les lunettes ne servent qu’à celui qui les porte, jamais à ceux qu’il est censé servir. À l’heure de l’information et de la connaissance, il est déplorable que Genève se gausse de ses arbres alors qu’elle est une candidate idéale pour évoluer dans sa nature véritable.

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