La France interdit depuis près d’un demi-siècle le vote par correspondance. L’Italie répond d’un rire amusé en apprenant cette possibilité dans notre pays. Les citoyens suisses sont pourtant plus de 90% à voter en avance, par poste, sans aucun filet de sécurité.
Le « Souverain » s’est exprimé ! Avec une acceptation encore plus forte qu’en juin, les votants ont approuvé la « loi Covid » selon les règles de notre démocratie. Les raisons peuvent être multiples, et les analystes s’en donner à cœur joie d’empiler les hypothèses. Le « pourquoi » reste toujours un mystère quand un peuple se prononce.
Mille et une raisons peuvent expliquer ce résultat, qui ressemble peu ou prou au taux de vaccination dans le pays : mobilisation massive des vaccinés, au prétexte que « si je l’ai fait, les autres doivent aussi » ; démobilisation des « antivax », plus préoccupés à hurler « liberté » que de remplir son office citoyen ; part de la population contre la loi Covid qui ne sont pas habilités à voter ; etc…
Une hypothèse circule pourtant, ne peut être écartée, et se doit d’être traitée : la fraude. Le « bourrage des urnes » est une pratique connue et courante, sauf ici, comme de bien entendu. Peut-on encore compter sur l’honnêteté et la bonne foi des braves helvètes aux commandes pour s’assurer d’un déroulement parfait du processus de vote ? Je l’affirme, en Maître Magicien, si l’on me consulte pour savoir le potentiel de tricherie dans le processus des votations en Suisse, ma réponse est sans équivoque : les failles sont multiples, les possibilités de fraudes sont nombreuses, et ceci à chaque votation !
Le magicien a de cela que de tout processus, il cherche à le détourner, réflexe cérébral professionnel. D’autant que je suis de la génération qui a vu s’implanter en masse le vote par correspondance. À ma majorité civique, l’on se rendait encore aux urnes, pratique qui s’est largement éteinte au profit de l’enveloppe glissée dans la boîte aux lettres : « A voté ! ». Admettons pourtant que le confort du vote à domicile s’est fait au détriment de la sécurité du processus. Tolérable ?
La France a supprimé depuis près d’un demi-siècle le vote par correspondance. L’Italie répond d’un rire amusé en apprenant cette possibilité dans notre pays. Les citoyens suisses sont pourtant plus de 90% à voter en avance, par poste, sans aucune garantie. Insidieusement, nous avons cessé de mettre notre ceinture de sécurité, au prétexte que nous n’avons jamais eu d’accident. Nous roulons cheveux au vent, car rien ne peut nous arriver. Nous traversons sans regarder, parce que les piétons ont la priorité. Jusqu’à quand ?
Dimanche passé encore, une citoyenne a fait esclandre au local de vote où j'étais car elle ne pouvait pas voter sans justifier de son identité : « C’est le processus, madame » lui a expliqué la gardienne des lieux. Las, il lui aurait suffi de glisser son enveloppe dans une boîte postale pour ne jamais devoir s’identifier. Car il en est ainsi, si l’ancienne méthode a gardé sa rigidité d’antan, le vote par correspondance s’est affranchi des contrôles stricts, au mépris du bon sens. Le peuple parle désormais sans filet, sans garantie aucune qu’il sera écouté ou que sa voix ne sera pas déformée. Mais à part ça, Madame la Marquise…
Je ne dis pas qu’il y a fraude, mais possibilité de fraude. Le risque d’accident est réel, et quand il arrive, c’est toujours trop tard. Et ce n’est pas au politicien, potentiel bénéficiaire de ces fraudes éventuelles, qu’on peut demander raisonnablement de remédier à la situation. C’est au peuple qui s’exprime de s’assurer que sa voix sera intégralement exprimée et entendue, en qualité et en quantité. Dans ce contexte, c’est hélas à nous de faire la police.
Des rumeurs de tricheries circulent sur les réseaux sociaux, fissurant lentement la confiance entre état et citoyens. Si la critique voire l’accusation est toujours facile, proposer et implémenter des changements profonds reste un marathon. Il est aujourd’hui nécessaire et urgent. Si l’échec des pilotes du « vote électronique » a très heureusement coïncidé avec l’apparition de la technologie dite « Blockchain », inviolable, gageons que celui-ci va revenir inévitablement prochainement en force, alors même que celui par correspondance n’a de loin pas atteint sa maturité sécuritaire. Si le Souverain est roi, il doit bénéficier d’une protection particulière, indiscutable, immédiate.
Des incidents et fraudes avérées ont déjà eu lieu, dans notre pays. D’autres ont été exposées, sans que cela ne débouche sur une réforme de fond. La difficulté de la preuve reste dans ce domaine un obstacle qu’il est très difficile de surmonter a posteriori. Si le risque ne peut jamais être complètement éliminé, il peut et doit être réduit à son niveau le plus faible par des mesures dissuasives et de transparence. Les procédures actuelles font état d’un laxisme inacceptable, qu’il convient de faire évoluer sans attendre. La qualité du ton de la vox populi en dépend intrinsèquement.
Depuis avril, Evolution Suisse a fondé l’association « Integritus » avec pour but notamment de « surveiller et défendre l’intégrité et la sécurité des votation et des élections en Suisse ». Concrètement, sans pour autant supprimer le vote par correspondance, il est proposé les améliorations suivantes :
Gestion des stocks de bulletins de vote imprimés par un tiers indépendant et sous surveillance citoyenne.
Vote par correspondance au guichet postal avec identification du votant et décompte du vote indépendant.
Mise en place d’un système « d’accusé de réception » numéroté permettant d’identifier et de compter chaque vote indépendamment.
Amélioration du système de scellés et imposition de la transparence des urnes.
Transport et stockage des bulletins de vote avant et pendant dépouillement par un tiers indépendant et sous surveillance citoyenne.
Surveillance des locaux de stockage et de dépouillage des votes par caméras sur réseau public et en enregistrement local durant toute la durée du processus d’expression populaire.
Accès multiple aux décomptes du nombre de votes totaux et au processus de consolidation des votes.
Création d’une « task force » citoyenne, avec soutiens éventuels d’organismes indépendants (p. ex. Protection Civile), pour la surveillance du processus de votation et d’élection.
Il est tout de même paradoxal que la Suisse, pays partenaire de l’OSCE, soit plus active à l’étranger pour la surveillance des processus électoraux que sur son propre territoire. Devrait-on faire appel à des observateurs étrangers pour encadrer nos votations et assurer leur bonne tenue ? Si pareille demande ne manquerait pas de susciter de l’étonnement, elle serait pourtant légitime. Pour l’heure, et pour garder un certain honneur, une amélioration drastique des procédures et des possibilités de surveillance seraient un pas dans la bonne direction.
Car c’est bien de cela dont il s’agit. Notre processus décisionnel doit évoluer vers l’inviolabilité indiscutable. La démocratie, « le pire système à l’exception de tous les autres » selon Churchill, ne peut se permettre de réduire au silence son Souverain. À moins que le peuple lui-même ne veuille être le complice consentant de sa propre destitution.
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