S’il est un mariage que nous devons entreprendre sérieusement, c’est celui avec la vie et la terre.
« J’ai l’honneur de ne pas te demander ta main » chantait lucidement le poète. Le mariage est un chausse-trappe dont les dernières minorités qui y ont encore échappé appellent le bon peuple à les laisser s’y empaler à leur tour. Pour ma part, j’appelle plutôt à l’abolition de cette institution moyenâgeuse plutôt qu’à son extension à tous-tes-x.
« Ne gravons pas nos noms en bas d’un parchemin » poursuivait en rime Brassens dans la chanson. L’amour est un jardin qui s’entretient au quotidien et dont on ne peux décemment coucher les termes dans un contrat. Quand la moitié des mariages finit en divorce tandis que l’autre se satisfait de tromperies plus ou moins avouées, il serait temps de se poser la question de la légitimité d’un engagement public qui ne nourrit qu’avocats et prostituées.
Car si comme magicien j’ai fait mon beurre du mariage des autres, j’en vois comme expert immobilier le revers peu luisant lorsqu’il s’agit de partager les « acquêts » du couple parti en vrille. L’avocat sollicité pour réduire à néant l’union tantôt célébrée avec faste se réjouira de concert avec son confrère des chamailleries qu’il sauront entretenir d’un remarquable talent et qui conduira les futurs ex-époux à se soulager de bien des milliers de francs pour les bons services des assermentés. Dans les faits, un bon divorce est bien souvent plus coûteux qu’une belle fête de mariage, voyage de noces inclus !
Heureusement, certains couples trouvent un bonheur véritable dans la vie à deux, voire plus si entente. Certains vivent une histoire d’amour qui dure deux existences et que rien ne saurait ébranler. Qu’on ne vienne pas me dire que cela tient à un bout de papier signé devant Monsieur le Maire ou à un « oui » mutuel devant curé de campagne ; ces unions ne sont pas le fruit d’une institution devenue obsolète mais bien celui de la rencontre de deux êtres dont les âmes ont fondu ensemble.
« Nous serons tous les deux prisonniers sur parole » proposait Georges en chanson. La « jolie pomme défendue » perd « son goût nature » quand elle se retrouve dans l’obscurité d’une conserve. Un vrai mariage se signe au quotidien, pas au-devant d’un curé qui trop souvent cache lui-même ses propres amours secrets. Si l’histoire, encore hélas trop contemporaine par endroits, a permis l’émancipation au travers des épousailles, il est temps que nous entamions la réflexion sur le contrat lui-même plutôt que de vouloir par les urnes étendre son désastre au moindre quidam.
Je pourrais plonger dans les yeux d’autrui et m’y noyer avec délice pour l’éternité. Par contre, ne viens surtout pas me demander ma main pour m’extraire d’une si belle baignade de vie. Nous nagerons ensemble aussi longtemps que nous saurons l’un et l’autre retenir notre souffle devant tant de merveilles partagées, puisse ce bain durer au-delà de la mort. L’homme est bien le seul animal qui croît qu’un papier peut supplanter l’incroyable extase de la rencontre de deux êtres. Il suffit en fait d’observer le patient ballet enchanté de deux simples araignées qui se « font la cour » pour comprendre que nous n’avons vraiment rien compris…
Moi-même, en humble homme de spectacle, je devais gagner mon public, soir après soir, sans jamais que le jour d’avant ne m’assure la victoire du lendemain. L’amour est une bataille contre soi-même, il est l’apprentissage ultime. Il n’y aura jamais ni contrat ni diplôme qui n’en prodigue recette toute faite ; c’est à chacun de devenir l’alchimiste qui perfectionnera au quotidien une formule dont personne ne peut vraiment prétendre détenir le secret ultime…
Au-delà du « mariage pour tous », je prône le mariage à l’amiable. Il est illusoire de croire que les chaînes de deux anneaux sauront éviter les divorces grinçants et coûteux à venir. S’il est un mariage que nous devons entreprendre sérieusement, c’est celui avec la vie et la terre. Partenaires fidèles depuis et pour toujours, nous les négligeons trop souvent au profit de contrats qui tournent notre humanité au ridicule. Sortons notre tête du sable confortable où nous avons trop longtemps somnolé plutôt que de vouloir l’enfoncer plus profond encore !
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