Pendant que guerre intestine fait rage, notre bateau à tous continue sa dérive ; nous payons cher notre billet pour un voyage qui ne mène nulle part.
Un 1er août de plus, le 730ème depuis la supposée légende d’une nation qui se gausse de sa perfection. Date arbitraire, choisie pour renforcer l’identité d’un pays multiple sur la base d’un traité retrouvé que tardivement. Dans les faits, notre Suisse ne vit plus que trop de son service au crime international…
Certes, la Covid a jeté quelques citoyens dans les rues brandir pancartes et t-shirts dans des rassemblements dûment autorisés, encadrés d’une police prête à bondir au moindre débordement. Certes, la « Loi Covid » a trainé aux urnes plus que d’habitude des citoyens prompts à les ignorer. Certes, les menaces de restrictions de liberté ont réuni en associations poignées de milliers de suisses dégainants engagement et cotisation. Le nettoyage de surface des eaux de nos lacs est pourtant loin de remuer la vase qui recouvre les obus explosifs enfouis dans leurs fonds depuis bien des décennies.
Éviter la piqure de moustique ne soignera en rien le cancer qui ronge notre corps collectif. Redonner lui un peu de luxure, et il oubliera vite devant son miroir aux alouettes que sa mort est programmée, voulue, acceptée. Le nombril de chacun sera, une fois l’orage d’eau douce passé ou avalé, à nouveau bien rapidement le seul point de vision digne encore d’intérêt. Chassez le naturel, il reviendra au galop nous rappeler que nos petits arrangements avec la morale valent bien le confort auquel nous ne sommes que trop habitués.
Déménager est le traumatisme inévitable si nous voulons faire perdurer l’esprit dont nous avons cru être nantis. Non pas le déménagement physique, où irions-nous donc, mais celui de la conscience. Dé-ménager, cesser de ménager notre confort, nos acquis, nos croyances, notre passé. Nager encore, que cela soit en eaux troubles ou profondes, car ce n’est qu’à ce prix que nous atteindrons une rive encore inconnue, celle des lendemains qui chanteront notre cantique sans fausse note.
Nos montagnes nous ont bouché notre horizon. Notre nombrilisme nous empêche de relever la tête. Notre cécité nous prive de voir au loin. Après nous le déluge, un parapluie pour maigre refuge. Bien que constitué de baleines, il est bien naïf de croire qu’elles nous serviront d’arche, à nous et nos descendants. Blâmez ceux qui se prennent pour des dieux, ils n’en entendront rien, tout prélassés qu’ils sont sur leurs nuages, à bronzer au soleil dont ils nous privent. Pour devenir Dieu il faut être deux, un qui le prétend, l’autre qui y croit. À ce jeu de rôles, le perdant est celui qui le permet. À ce jeu drôle, le gagnant est celui qui se le permet.
Sombre cartographie de nos eaux cristallines devenues sables mouvants. Le port du slip est depuis longtemps devenu obligatoire en public, celui du masque risque bien de le rester pour l’éternité ; même les camps de naturistes s’y sont plié docilement. C’est notre civilisation entière qui s’enfonce sans trouver moyen de s’extirper, sans trouver branche pour s’accrocher. Cette dernière année aura été particulièrement dévastatrice socialement, chacun montrant l’autre du doigt, l’un pour mauvaise citoyenneté, l’autre pour servilité trop docile. Et pendant que guerre intestine fait rage, notre bateau à tous continue sa dérive ; nous payons cher notre billet pour un voyage qui ne mène nulle part.
Mais qui blâmer de ce triste constat d’anniversaire ? À qui jeter la pierre, sans briser le miroir qui renvoie notre seul reflet ? Nous sommes les seuls coupables de notre situation, tout comme nous sommes les seuls capables de la résoudre. Relever la tête n’est que question d’attitude, de posture. Voir plus loin ne nécessite que d’ouvrir les yeux. S’exprimer ne demande qu’un mot, une plume.
Je rêve d’une Suisse unie, visionnaire. J’imagine un peuple qui pense avec son cœur, avant sa tête. Je crois en un avenir qui nous porte, nous préserve, nous éduque. Je façonne des demains solidaires, inspirants. Je fomente des jours heureux, prospères, éclairés. Faire de notre mieux ne sera pas assez ; ce n’est pas en appliquant les mêmes recettes que nous changerons de menu quotidien. Il en tient à nous d’explorer, d’oser, d’essayer, si nous voulons réussir. L’intelligence du cœur a bien plus à nous apprendre que l’artificielle, ne nous trompons plus de chemin mais empruntons celui qui nous mène à notre propre divinité.
« L’amour est origine et destination » ; si j’ai peu de doutes sur cette affirmation, l’inconnue reste la longueur de la route qu’il nous reste à parcourir encore. J’œuvre humblement à ce qu’elle soit la plus courte que possible, comme devrait le faire chacun de nous. En ce 1er août de plus, j’ose croire que nous serons de nombreux suisses à s’y rendre sans délai, sublimant le pays de nos origines bien au-delà des émotions qui nous retiennent captifs. Ce n’est pas une nation que nous célébrons, mais un peuple, volontaire, motivé, multiple et enraciné. Puissions-nous parvenir à destination, celle du cœur, sans délai !
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